Adrien Oberthur a le goût du risque. La preuve, cet ingénieur agronome de formation s’est marié, a plaqué son job chez Ernst & Young et a quitté son Paris natal pour Rouen la même année, en 2013… Pour une place en or en bord de mer ? Même pas ! Plutôt pour reprendre les rênes, à moins de 30 ans, de l’entreprise industrielle et familiale de son pote Julien, collègue de bureau arrivé le même jour que lui chez Ernst avec qui il partage d’ordinaire une bière à la sortie du travail. Depuis, Adrien est le directeur général adjoint couteau-suisse (directeur des opérations, DGA et actionnaire) de HAFA, la même société qu’en 2013, à quelques détails près !

Histoire de bien poser le personnage, autant comprendre tout de suite qu’Adrien est loin de l’image d’Épinal du DGA évoluant dans le monde des lubrifiants. Ici, pas de cravate, pas de costard 3 pièces taillé sur mesure, pas de jet privé et pas de réponse de Normand non plus – sans mauvais jeu de mot. Le cheveu un peu en bataille, Adrien a l’humour et l’autodérision faciles. Le genre à cuisiner pour ses collaborateurs (Julien, lui, s’occupe plutôt du dessert) et à faire des parties de « Blanc Manger Coco » pendant les séminaires de direction !

 D’ailleurs, même son arrivée chez HAFA, il la considère comme : « une aventure entrepreneuriale à deux plutôt fascinante » et n’oublie pas non plus de glisser au détour d’une conversation que l’on n’a « généralement pas une passion du lubrifiant pendant ses études ».

ADN d’entrepreneur

Et franchement, vue de l’extérieur, le début de l’histoire ressemble plus à une grosse galère qu’à un joli chemin bordé de pétales de roses. « Julien a été appelé par les actionnaires de HAFA, à savoir sa mère et ses oncles et tantes, pour identifier les pistes qui s’offraient à HAFA suite au départ en retraite de son dirigeant, comptant sur son œil extérieur de consultant. Julien nous a donc demandé, avec Philippe, un troisième acolyte (de la bière après le boulot) de venir passer quelques jours à Yvetot pour poser un diagnostic : fallait-il fermer, vendre, mettre un nouveau DG, recruter… ? ». Et malgré la petite voix cartésienne qui lui souffle qu’il ne va sans doute pas se marrer tous les jours, Adrien accepte de rejoindre Julien qui décide finalement de prendre la tête de l’entreprise. Risqué, voire suicidaire, mais Adrien aime les frissons de l’entreprenariat. 

 Le jeune marié est soutenu et est probablement influencé par un nom de famille qui lui donne la dernière impulsion nécessaire au grand saut.  Tous les écoliers que nous avons été un jour se souviennent des cahiers Oberthur. L’entreprise de papeterie  fondée à Rennes par l’arrière arrière-grand-père d’Adrien. « Oberthur c’est la success story bretonne de la 1ere partie du XXe siècle. Avant la Deuxième Guerre c’était l’une des 100 premières fortunes françaises…Et en une génération on a réussi à tout dilapider de manière magnifique. Désormais, l’entreprise n’appartient plus du tout à ma famille. En revanche, mon héritage c’est que je n’ai pas le droit de déposer une marque à mon nom ! »

Diriger avec humour…mais diriger !

Reste que même en ayant commencé de manière imprévue, tel un coup de foudre ? L’histoire entre Adrien et HAFA dure depuis 10 ans. Une histoire que le co-dirigeant modèle aussi un peu à son image : en constituant avec Julien une équipe de direction avec le même état d’esprit qu’eux, en rattrapant le retard sur la partie digitale, en dépoussiérant l’outil industriel et en rajeunissant l’image de marque de l’entreprise… Après 10 ans, et pour les 10 prochaines années, Adrien envisage désormais de faire passer HAFA à l’étape suivante. De co-dirigeant à l’humeur légère, il prend soudain un ton plus sérieux. Même avec de l’humour, finalement, le DGA n’est jamais très loin. 

« Nous avons été longtemps attentifs à ne pas toucher au moteur de la machine. Nous voulions améliorer sans prendre le risque de tout casser. Mais si c’est l’histoire qui nous fait vivre, c’est elle aussi qui peut nous tuer. Or, aujourd’hui, nous sommes sur un modèle où il faut se transformer et pas juste ajouter des couches. Nous évoluons quand même dans un secteur où les résultats des concurrents se comptent en milliards ». HAFA c’est un peu Astérix contre les romains. Alors la potion magique de l’entreprise, Adrien veut aller la chercher en faisant prendre à l’entreprise un virage vers une spécialisation dans la niche industrielle notamment. Mais ça, c’est une autre (super) aventure. 

 

Article rédigé par Ambre Delage 

Découvrez le portrait de Léa Lacroix et celui de Pascal Lozes